Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/39

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ne pas vouloir se guillotiner !… J’ai noté ce point terrible où on le voit qui ne veut pas enfoncer de sa main ce fer salutaire dans le cœur de l’Assemblée, veut qu’elle se l’enfonce elle-même. Pharisaïsme intérieur de lui à lui. Il se fût dit : « Elle l’a voulu ainsi. » Il se fût innocenté au fond de sa conscience, ayant trouvé le secret, en exterminant la loi, de la respecter.

Où est Marat, si naïf ? Combien 1794 est loin de 1793 ! Dans quelles ténèbres sommes-nous ? Ah ! ce n’est pas impunément qu’on a éteint ces lumières. Danton, Fabre, Desmoulins, le pauvre Anacharsis Clootz, l’infortuné Chaumette, si inoffensif alors ! Les apôtres de la Raison sont morts. Et nous voilà rentrés au scabreux de l’équivoque, du faux, de la Dé-Raison.

Où est Marat ? où est Chalier ! J’aimais mieux leurs folles fureurs. Tous deux étaient des malades, il est vrai, des étrangers de race étonnamment mêlée, où ces éléments confus avaient fait un chaos sanglant. Marat était hystérique ; on le saignait à chaque instant. On fera un jour, je pense, la pathologie de la Terreur. Les situations extrêmes créent d’étranges maladies. Nos camisards de 1700 en eurent une contagieuse, la prophétie ; les enfants au berceau prophétisaient. Chez les hommes de 1793 (et non de 1794), une maladie éclata : la furie de la pitié.

Qu’est-ce cela ? Souvent des femmes qui voient frapper un cheval crient contre le conducteur et le frapperaient volontiers. J’ai vu des hommes aussi