Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/40

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sanguins, qui dans ce cas s’emportaient et rougissaient parfois jusqu’à l’apoplexie, parfois jusqu’à prendre à la gorge le charretier, l’étrangler. Cette pitié meurtrière fut dans Marat et Chalier. Dans Chalier, très éloquente. Marat eut moins de talent. Sa vanité littéraire se mêle trop à ses fureurs. Eh bien, cependant Robespierre n’eût jamais trouvé le mot attendri qui lui échappa : « Je me suis fait anathème pour ce bon peuple de France. »

Lyon semble le cœur du cœur, comme Paris l’esprit de l’esprit. Entre la Croix-Rousse et Fourvières, dans cette vallée de travail, il y a comme un foyer profond de mysticisme social, de tendresse et de fureur. Là, après Chalier, fermentèrent le grand, l’ingénieux Fourier, le fort Proudhon, dont la main excentrique a tout remué. Chalier, négociant italien, riche, dans cette mer des pauvres, devant cette terrible misère, en devint vraiment malade, délira. Les sanglants complots qu’on lui prête ne sont pas prouvés. Ce qui l’est, c’est la barbarie avec laquelle lui et les siens furent massacrés. Ses disciples vinrent à Paris et trouvèrent justement Chaumette en face de cent mille pauvres, les prêchant, les consolant, surtout de la vaine idée que tant de terres, alors désertes, abandonnées, seraient à eux. Qu’en aurait fait l’ouvrier, fin, délicat de Paris ? On ne retourne pas à la terre.

Un autre prédicateur excentrique et furieux est un certain Jacques Roux, apôtre des rues Saint-Martin, des Arcis, des Gravilliers. Il voulait des