Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/98

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nuirait plutôt à eux-mêmes ; elle pensait résister pour eux aussi bien et mieux qu’ils n’eussent su faire.

Comment ces hommes intrépides se décidèrent-ils à suivre ce déplorable conseil ? Nul historien ne l’a dit. Mais il n’est besoin qu’on le dise. Le vrai coup qui les vainquit, les anéantit, ce fut l’affreuse nouvelle arrivée le 2 au matin, le massacre de huit cents hommes à Lyon… par qui ? Par les mains girondines, par les mains de ceux qui du moins se déguisaient sous ce nom. La Gironde fut écrasée. Hélas ! elle était jusqu’ici le parti de l’humanité, et voilà qu’à son dernier jour, comparaissant devant le peuple, elle arrivait souillée de sang !…

L’un d’eux, Buzot, qui de cœur était à Madame Roland, qui la savait arrêtée, s’élança des bras de ses amis. Luttant avec eux, il disait : « Je veux mourir à la tribune. » Ils le retinrent. Barbaroux fut plus heureux ; il échappa. Il couvrit glorieusement d’une superbe intrépidité le banc désert de la Gironde. Les autres restèrent chez Meillan, qui promit de les avertir d’heure en heure. Ils restèrent muets, immobiles, perdus, sous la fatalité.

L’innocence de Barbaroux éclatait, à ce moment même, au Comité de salut public. On avait saisi à la poste les lettres que lui écrivaient ses correspondants de Marseille. Nous les avons sous les yeux. Elles ne contiennent rien qui puisse, de près ou de loin, indiquer la moindre pensée royaliste ni contrerévolutionnaire. Ces lettres, spécialement celles de