Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/271

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lement frappait à côté. Cet énorme sacrifice d’efforts et de sang était en pure perte. De là, un grand découragement, une rapide et funeste démoralisation, une sorte de choléra moral.

Quand le nerf moral se brise, deux choses contraires en adviennent. Les uns, décidés à vivre à tout prix, s’établissent en pleine boue. Les autres, d’ennui, de nausée, vont au-devant de la mort ou du moins ne la fuient plus.

Cela avait commencé à Lyon ; les exécutions trop fréquentes avaient blasé les spectateurs ; un d’eux disait en revenant : « Que ferai-je pour être guillotiné ? » Un des condamnés qui lisait, quand on l’appela, continua jusqu’à l’échafaud ; au pied de la guillotine, il mit le signet. Cinq prisonniers à Paris échappent aux gendarmes ; ils avaient voulu seulement aller encore au Vaudeville. L’un revient au tribunal : « Je ne puis plus retrouver les autres Pourriez-vous me dire où sont nos gendarmes ? Donnez-moi des renseignements. » Le plus fort fut à l’Assemblée ; un homme qui voulait tuer Robespierre ou Collot d’Herbois alla en attendant à la Convention ; Parère occupait le tapis en contant je ne sais quelle histoire de Madagascar ; l’homme s’endormit profondément.

De pareils signes indiquaient trop que décidément la Terreur s’usait. Cet effort contre nature ne pouvait plus se soutenir. La Nature, la toute-puissante, l’indomptable Nature, qui ne germe nulle part plus énergiquement que sur les tombeaux,