Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/362

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peu violente, avait pourtant, je le vis, enlevé l’assentiment de tous ceux qui étaient là. Je leur dis Si l’on admettait ce que vous venez d’avancer, je crois qu’il faudrait dire aussi qu’il en a été de même bien souvent dans d’autres âges, et qu’on se mariait pourtant. Les femmes aimaient la toilette, le luxe, étaient rétrogrades. Mais les hommes de ces temps-là sans doute étaient plus hasardeux. Ils affrontaient ces périls, espérant que leur ascendant, leur énergie, l’amour surtout, le maître, le vainqueur des vainqueurs, opéreraient en leur faveur d’heureuses métamorphoses. Intrépides Curtius, ils se lançaient hardiment dans ce gouffre d’incertitudes. Et fort heureusement pour nous. Car, messieurs, sans cette audace de nos pères, nous ne naissions pas.

Maintenant, permettez-vous à un ami plus âgé de vous parler avec franchise ? Eh bien, j’oserai vous dire que si vous étiez vraiment seuls, si vous supportiez, sans consolations, cette vie que vous trouvez amère, vous vous presseriez d’en sortir. Vous diriez L’amour est fort et il peut tout ce qu’il veut. Plus -grande sera la gloire de convertir à la raison ces beautés absurdes et charmantes. Avec une grande volonté, déterminée, persévérante, un milieu choisi, un entourage habilement calculé, on peut tout. Mais il faut aimer, aimer fortement, et la même. Point de froideur. La femme cultivée et désirée, infailliblement appartient à l’homme. Si l’homme de ce temps-ci se plaint de n’aller pas à l’âme, c’est qu’il n’a pas ce qui la dompte, la force fixe du désir.