Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/363

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Maintenant, pour parler seulement du premier obstacle allégué, de l’orgueil effréné des femmes, de leur furie de toilette, etc., il me semble que ceci s’adresse surtout aux classes supérieures, aux dames riches, ou à celles qui ont occasion de se mêler au monde riche. C’est deux cents ou trois cent mille dames. Mais savez-vous combien de femmes il y a en France ? Dix-huit millions, dix-huit cent mille à marier.

Il y aurait bien de l’injustice à les accuser en masse des torts et des ridicules de la haute société. Si elles l’imitent de loin, ce n’est pas toujours libre- .ment. Les dames, par leur exemple, et souvent par leurs mépris, leurs risées, à l’étourdie, font en ce sens de grands malheurs. Elles imposent un luxe impossible à de pauvres créatures qui parfois ne l’aimeraient pas, mais qui par position, pour des intérêts sérieux, sont forcées d’être brillantes, et, pour l’être, se précipitent dans les plus tristes hasards.

Les femmes, qui ont entre elles une destinée à part et tant de secrets communs, devraient bien s’aimer un peu et se soutenir, au lieu de se faire la guerre. Elles se nuisent dans mille-choses, indirectement. La dame riche, dont le luxe change la toilette des classes pauvres, fait grand tort à la jeune fille. Elle empêche son mariage ; nul ouvrier ne se soucie d’épouser une poupée si coûteuse à habiller. — Restée fille, elle est, je suppose, demoiselle de comptoir, de magasin ; mais, là même, la dame lui nuit encore. Elle aime mieux avoir affaire à un commis en habit noir, flatteur, plus femme que les