Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/181

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dans le règne spirituel ? et tant de précautions minutieuses pour remplacer le ravissement subit de l’âme n’iront-elles pas nécessairement dégénérer chez les disciples en ruses pour déconcerter le chef de la ruse ? Quoi ! le Dieu est là, agenouillé, pleurant dans la sueur de sang ; et au lieu d’être tout d’abord transporté hors de vous-mêmes par cette seule pensée, vous vous amusez à me montrer cet enclos, à en mesurer mesquinement le contenu, à tracer méthodiquement le plan du sentier, viam planam aut arduam ! Vous êtes au pied du Thabor dans le moment inexprimable de la transfiguration ; et ce qui vous occupe est de savoir quelle est la forme de la montagne, sa hauteur, sa largeur, sa végétation ? Est-ce là, grand Dieu, le christianisme des apôtres ? est-ce celui des pères de l’Église ? Non, car ce n’est pas celui de Jésus Christ.

Où vit on jamais dans l’Evangile cette préoccupation de l’arrangement et des coups de théâtre ? C’est la doctrine qui parle, ce ne sont pas les choses. L’Evangile répète la parole, et les objets en sont illuminés. Loyola fait tout le contraire. C’est, comme il le dit si bien[1], par le secours des sens et des objets matériels qu’il veut se relever jusqu’à l’esprit. Il se sert des

  1. Admotis sensuum officiis. Exercit. Spirit., p. 182 ; Deindè repetitiones et usus sensuum velut priùs, ibid. p. 167.