Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/199

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origine même, elle sera non plus la légion thébaine, mais la police instituée du catholicisme. Secondement, en vertu du même principe, si l’âme n’est plus le mobile de tout, elle n’est plus qu’un danger ; d’où la nécessité de l’exténuer sous le joug cadavéreux d’une obéissance, non pas intelligente, mais aveugle, obedientia cæca. Voilà pourquoi la soumission dans les autres ordres n’est rien en comparaison de cette mort volontaire de la conscience. Que d’autres sociétés se distinguent par d’autres vertus ; celle de la compagnie de Jésus doit être avant tout la démission de soi-même. Chez les trappistes, l’homme a pu conserver un refuge intérieur dans son propre martyre et son silence ; chez les jésuites, l’âme, lors même qu’elle ne le voudrait pas, est obligée de s’échapper à elle-même par surprise, et de se rapetisser dans l’embarras des occupations extérieures.

Une autre conséquence qui rentre dans les deux premières, est la nécessité systématique de réprimer les grands instincts, de développer les petits. On a remarqué que la compagnie de Jésus, si féconde en hommes habiles, n’a pas produit un grand homme après Loyola. En voici la raison ; elle est irrécusable. L’orgueil tout castillan de Loyola lui a persuadé que ses disciples seraient incapables de supporter,