Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/239

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ne s’armer que d’un fantôme, ils font appel à l’opinion, à la souveraineté populaire, pour abaisser, déprimer la force publique qui les sépare de la domination. Il est vrai qu’après avoir donné le bon plaisir de la foule, beneplacita multitudinis, pour base à la monarchie, ces grands démocrates de 1600 ne font nulle difficulté de réduire à rien l’autorité du suffrage général ; en sorte que, renversant la royauté par le peuple, et le peuple par l’autorité ecclésiastique, il ne reste, en définitive, qu’à s’abandonner à leur propre principe.

Aussi, lorsque tous les rôles étaient changés, et que les écrivains de l’ordre s’étaient prématurément servis de la souveraineté pour abolir la souveraineté, savez-vous quel refuge conservèrent ceux qui voulaient protéger la loi civile et politique, contre la théocratie ? L’école de la société de Jésus, menaçait de tuer la liberté par la liberté, avant même qu’elle fût née. Pour échapper à ce piége extraordinaire, Sarpi et les indépendants furent obligés d’avancer que le pouvoir politique, le pouvoir royal était de droit divin, qu’ainsi l’État avait sa raison d’être aussi bien que la papauté, qu’il ne pouvait être asservi par elle, puisqu’il avait, comme elle, un fondement inattaquable ; c’est-à-dire, que par un renversement de toute vérité, et par un