Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/242

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Il est surtout un ouvrage célèbre où ces théories sont résumées avec une audace dont on ne peut trop s’étonner, lorsque l’on pense pour quels lecteurs il fut composé. Je parle du Livre du roi, par le jésuite Mariana. Cet ouvrage fut écrit sous les yeux de Philippe II pour l’éducation de son fils. Partout ailleurs le jésuitisme marche par des voies détournées ; ici il se relève avec la fierté de l’hidalgos espagnol. Comme il sent que la royauté d’Espagne est engagée dans les liens de la théocratie ! en parlant au nom de la Rome papale, il lui est permis de tout dire. De là, quelle étrange franchise à fouler l’autorité civile, pour peu qu’elle veuille sortir d’une dépendance désormais avouée et consentie !

Malgré la différence de génie, on pourrait comparer au prince de Machiavel, le roi de Mariana. Machiavel se sert de tous les vices pourvu qu’ils soient forts ; il veut les faire tourner à l’indépendance politique de l’État ; Mariana consent à toutes les vertus, pourvu qu’elles aboutissent à la démission de l’État, devant l’ordre du clergé. Croiriez-vous qu’il va, au nom de ces mêmes vertus, exiger l’impunité pour tous les crimes que pourraient commettre les ecclésiastiques ? et ce n’est pas un conseil, c’est un commandement. « Que personne du clergé ne soit condamné, même