Aller au contenu

Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 96 —

Télimène ouvre un coffre où l’on voit renfermées
Pommades à la rose, essences parfumées ;
Elle inonde Zosia d’un parfum précieux
(L’air en est embaumé), d’huile elle oint ses cheveux.
Zosia met des bas blancs à jour, chausse, ravie,
Des souliers de satin venus de Varsovie.
La bonne cependant lui laçait son corset ;
Elle l’abrite alors sous un peignoir coquet,
Rompt le savant tissu de chaque papillote :
Une tresse bientôt de chaque côté flotte ;
Des bandeaux ont couvert ses tempes et son front.
De bluets frais cueillis un doigt agile et prompt
Façonne une guirlande ; alors, avec adresse,
Télimène en fleurit la tête de sa nièce
De droite à gauche ; et sur l’or de ses cheveux blonds
Ces fleurs d’azur brillaient comme dans les sillons.
On ôte le peignoir : la robe blanche est prête ;
Zosia la prend, la passe au dessus de sa tête ;
D’un mouchoir de batiste elle froisse les plis,
Et se dresse candide et blanche comme un lis.

Puis on ajuste encor la robe, et Télimène
Dans la chambre en tous sens veut qu’elle se promène.
D’un regard connaisseur elle suit tous ses pas :
« Relevez-vous ! Encor ! Les yeux plus haut ! Plus bas !
Faites la révérence !… O ciel ! Est-il possible ?
Que je suis malheureuse ! O Zosia, c’est horrible !
Dindons, voilà votre œuvre ! Elle écarte les pieds
Comme un garçon ; elle a des yeux écarquillés
D’amazone !… Un salut !… Voyez quelle souplesse ! »
— « Est-ce ma faute ; dit sa nièce avec tristesse,
Vous m’enfermiez toujours ; je passais tout mon temps
A paître mes dindons, à bercer des enfants.
Mais attendez, ma tante ! Un peu de patience,
Et vous même serez fière de ma science. »

— « A choisir, dit la tante, autant la basse-cour
Que les hôtes qu’ici l’on vit jusqu’à ce jour.
Rappelez-vous un peu toutes ces bonnes âmes :
Le curé qui priait ou qui jouait aux dames,
Des avocats sentant la pipe ! Beaux messieurs !
Et vous auriez appris le bon ton avec eux !
Au moins de se montrer, à présent, c’est la peine,
Et de gens comme il faut notre maison est pleine.
Remarquez bien, Zosia ; le Comte, un grand blondin,