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Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/117

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Il va grave, muet, roide comme un poteau,
Tète couverte (il est chez lui, dans ce château !).
Sa main tient une clef luisante ; avec cette arme
Dans une armoire ouverte il tourne : quel vacarme !

Dans deux coins se dressaient deux armoires de bois
Dont les flancs abritaient deux horloges à poids.
Mais, avec le soleil depuis longtemps brouillées,
Se traînaient au hasard leurs aiguilles rouillées.
A les remettre à neuf Gervais n’a pas songé,
Mais de les remonter il se croit obligé ;
Et chaque soir sa clef tourmente leur rouage :
Or on était à l’heure où se fait cet ouvrage.
Tandis que sans broncher chacun suivait la voix
Du Président,… Gervais tira l’un des deux poids.
On entendit grincer une roue édentée.
Le Président frémit : sa phrase est arrêtée.
« Remettez un instant ce travail si pressé »,
Dit-il, puis il reprend. Le Porte-clefs froissé
Tire encore plus fort l’autre poids. Sur l’horloge
Perchait un rouge-gorge au chant digne d’éloge
Autrefois… Il commence un concert enragé ;
C’est un oiseau bien fait mais fort endommagé.
Il bat de l’aile, il siffle, il glapit à tout rompre.
On rit : le Président doit encor s’interrompre.
« Porte-clefs, cria-t-il, vieux chat-huant, vieux hibou,
Assez de ce vacarme ou je te tords le cou ».

L’impassible Gervais, qui jamais ne recule,
Met gravement sa main droite sur la pendule
Et l’autre sur sa hanche ; et puis, ainsi campé,
« Président de hasard, dit-il, tu t’es trompé :
Je ne suis qu’un moineau, mais plus fier dans son gite
Que le hibou qui vient ici sans qu’on l’invite.
Porte-clefs et hibou font deux ; le vrai hibou,
C’est l’intrus ; et je vais le chasser de mon trou ».

— « A la porte ! » cria le Président.

— « A la porte ! » cria le Président. Ah ! Comte ! »
Reprit le Porte-clefs, « n’avez-vous pas de honte ?
N’est-ce pas vous salir assez comme cela
Que de manger et boire avec tous ces gens-là ?
Faut-il que du château, moi, le vieux majordome,
Moi, Gervais Rembaylo, vieillard et gentilhomme,