Aller au contenu

Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 135 —

C’est ainsi que naguère ont fait les Posnaniens :
Dès qu’on eut balayé la tourbe des Prussiens,
On s’assemble, et bientôt s’arment les citoyens.
Tous prêts, de Dombrowski nous n’attendons qu’un signe,
Il nous crie : « à cheval ! Et nous entrons en ligne ! »

— « Je demande à parler », dit alors doucement
Un grand jeune homme svelte en costume allemand.
Bien qu’ayant nom Buchman, — vrai Polonais en somme,
Il naquit en Pologne : était-il gentilhomme,
On l’ignorait. D’ailleurs, agent d’un grand seigneur,
Commissaire de Kleck, tous l’ont en grand honneur :
Instruit, bon patriote, il a par la lecture
Appris tous les secrets de la grande culture :
Pour régir un domaine il n’a pas son égal ;
De politique même il ne parle pas mal ;
Il écrit et s’exprime avec quelque élégance.
Aussi tous se sont tus dès que Buchman commence :
« Je demande à parler ». Il dit, tousse deux fois,
S’incline, et l’on entend vibrer sa douce voix :

« Tous les préopinants ont, avec éloquence,
Élucidé les points de quelque conséquence,
Et sur son vrai terrain porté la question.
Il reste à résumer avec précision
Leurs sages arguments, leurs conseils salutaires,
Pour mettre l’unité dans leurs avis contraires.
J’ai remarqué deux points dans la discussion ;
Je vais donc adopter cette division.
D’abord, pourquoi faut-il entreprendre la lutte ?
Dans quel esprit ? C’est là le fond de la dispute.
Le second point a trait au pouvoir à créer.
Ce partage est bon ; mais il faut le retourner :
Avant tout, le pouvoir : prenons-en connaissance ;
Nous pourrons de la lutte en déduire l’essence.
Or donc, quant au pouvoir, si je parcours des yeux
De ce vaste univers et les temps et les lieux,
J’y vois le genre humain, d’abord sauvage et brute,
Contre les animaux s’assembler pour la lutte.
C’est la première diète où l’on s’est concerté.
Chacun renonce ensuite à quelque liberté
Pour le bien général c’est la première charte.
C’est de là dans les lois qu’il faut toujours qu’on parte.
Ainsi donc d’un contrat naît tout gouvernement,
Non d’un décret du ciel, comme on dit faussement.