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Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/197

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LIVRE X

L’EMIGRATION — HYACINTHE (JACEK)


Délibération en vue d’assurer la sécurité des vainqueurs. — Entente avec Rykow — Adieux. — Importante révélation. — Espérance.


Les nuages qu’à l’aube avait chassés le vent,
(Tels de grands oiseaux noirs dans les airs s’élevant),
S’amoncelaient toujours… Quand le soleil dépasse
Le zénith, dans le ciel leur noir troupeau s’entasse
Comme un suaire épais ; alors un vent puissant
L’ébranle ; lentement vers la terre il descend ;
Bientôt violemment il s’ouvre et se déchire,
Et semble, se gonflant, la voile d’un navire
Qui, rassemblant en soi tous les vents furieux,
Du Midi jusqu’à l’Est vole à travers les cieux.

Mais bientôt tout se tait : l’atmosphère étouffante,
Calme, sourde, paraît muette d’épouvante.
Les blés, qui, tout d’abord, se courbaient éplorés,
Puis soudain relevaient leurs panaches dorés
Comme des flots houleux, — redevenus tranquilles,
Hérissent vers le ciel leurs tiges immobiles.
Saules et peupliers, qui, bordant les ruisseaux,
Semblaient, désespérés, pleurer sur des tombeaux,
Baissaient leur front, tordaient leurs bras avec détresse,
Abandonnaient au vent leur verdoyante tresse,
Inertes maintenant, désolés et muets,
Comme des Niobé semblent pétrifiés.
Le tremble seul agite encor son vert feuillage.

Les bœufs, lents d’ordinaire à rentrer au village,
Tumultueusement s’attroupent aujourd’hui,
Et seuls, sans leurs bouviers, vers leur étable ont fui.
Le taureau de son pied frappe le sol, le creuse
De sa corne, et rugit d’une voix caverneuse ;
La vache vers le ciel lève son grand œil rond,
Et, les naseaux gonflés, pousse un soupir profond.