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Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/227

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Il est temps aujourd’hui de dire ses mérites.
J’en sais tout le détail grâce à nos généraux :
Ils doivent à coup sûr se connaître en héros.
Jacek, comme on disait, n’était point mort à Rome ;
Il avait seulement dépouillé le vieil homme,
Afin de réparer ses fautes d’autrefois
Par une sainte vie et de brillants exploits.

Lorsque à Hohenlinden[1] le fameux Richepanse
Allait battre en retraite et perdait l’espérance,
De notre Kniaziewicz ignorant les efforts,
C’est Jacek, dit Robak, qui, bravant mille morts,
Au nom de Kniaziewicz vint dire à Richepanse
Que notre légion marchait à sa défense.
Il reçut en Espagne, où nos chevau-légers
Ont de Somo Sierra[2] pris d’assaut les rochers,
Près de Kozietulski[3] deux terribles blessures.
Plus tard on ne sut pas trouver de mains plus sûres
Pour porter en tous lieux des messages secrets.
Des guerres à venir il faisait les apprêts.
Enfin à Soplitzow, dans sa terre natale,
En combattant le Russe il est mort d’une balle.
Or, quand à Varsovie on apprit cette mort,
L’Empereur justement venait dans un rapport
De le récompenser en donnant à ce brave
La croix d’honneur. Ceci de tout crime le lave.

Or donc, considérant ces faits incontestés,
Au nom de l’Empereur et des autorités,
Moi, maréchal, je viens déclarer à voix haute
Que Soplitza Jacek a réparé sa faute,
Qu’il reprend son honneur et qu’il doit désormais
Etre compté parmi les meilleurs Polonais.
Or donc, quiconque aux siens reprocherait en face
Les antiques délits que ce décret efface,
Pourrait être frappé de la punition
De laquelle au Statut[4] il est fait mention :
Tout noble ou tout soldat est noté d’infamie

  1. Sur la part prise à la bataille de Hohenlinden par la légion polonaise, voyez l’histoire des légions polonaises par L. Chodźko. On sait qu’à Hohenlinden la légion commandée par le général Kniaziewicz décida de la victoire.
  2. C’est la fameuse charge des chevau-légers polonais (1809), chantée par A. Goreck et racontée en détail par A. Niegolewski, un des héros de cette journée, en rectification du récit inexact de Thiers dans son histoire du Consulat et de l’Empire.
  3. Un des officiers qui dirigeaient la charge.
  4. Le Statut lithuanien (statut litewski). V. le livre IX.