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ÉLÉGIES. Texte complet non-formaté

SUR L’ÉLÉGIE.

L’élégie est un genre de composition naturel à l’homme. Si le premier chant des premiers humains fut un hymne, le second fut sans doute une Élégie. D’abord, la chute d’un arbre en fleur, les ravages du torrent, la perte d’un agneau chéri, inspirèrent les accents nouveaux de la plainte. Bientôt l’amour, dont l’origine, comme celle de la poésie, remonte au berceau du monde, exprima naïvement ses joies inquiètes, ses craintes sans objet, son bonheur toujours mêlé de quelque tristesse. A ce vague sentiment de douleur succéda la douleur réelle. Prima mors, primi parentes, primus luctus, tels furent les vrais sujets de larmes; et quand les larmes eurent abondamment coulé, le besoin d’exprimer ses peines fit naître sans art les chants destinés au deuil.

L’Élégie se plut longtemps aux déserts. Là le Sauvage prisonnier entonnait son cantique de mort; l’Arabe déplorait la perte de son coursier, ou l’abandon de sa maîtresse; l’Indien, partant pour l’exil, regrettait de ne pouvoir emporter les os de ses pères.

Les livres saints respirent cette mélancolie dont le charme mystérieux s’augmente encore de la naïveté des anciens jours. Ce sont les adieux de Noémi à ses filles in-