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2 SUR L’ÉLÉGIE.

fortunées , ceux de la fille de Jephté à ses compagnes et à la vie; c’est David pleurant , au pied du Gelboé, Saül et Jonathas; c’est Rachel qui a perdu ses fils et qui ne veut pas être consolée parce qu’ils ne sont plus[1]. Tour à tour les misères de Job, la captivité des Hébreux , les lamentations des prophètes, prêtèrent à la lyre sacrée des sons douloureux et sublimes.

C’est ainsi que l’Élégie existait sans loi et sans nom avant que la Grèce, foyer universel de la poésie, lui donnât des formes et des attributions particulières. Le nom primitif quelle y reçut semblait la consacrer exclusivement aux larmes. On la récitait aux funérailles; on la gravait sur les tombeaux[2]. Elle prit par degrés plus d’extension. Dans un chapitre sur la bibliothèque d’Euclide, le savant Barthélémy distingue de la manière suivante le caractère de l’Élégie grecque :

« Avant la découverte de l’art dramatique, les poètes à qui la nature avait accordé une âme sensible et refusé le talent de l’épopée, tantôt retraçaient dans leurs tableaux les désastres d’une nation ou les infortunes d’un personnage de l’antiquité , tantôt déploraient la mort d’un parent ou d’un ami, et soulageaient leur douleur en s’y livrant. Leurs chants plaintifs, presque toujours accompagnés de la flûte, furent connus sous le nom d’Élégies ou de Lamentations... L’Élégie peut soulager nos maux quand nous sommes dans l’infortune; elle doit nous inspirer du courage quand nous sommes près d’y tomber. Elle prend alors un ton

  1. Et noluit consolari quià non sunt.
  2. Horace, dans une de ses odes, désigne les vers élégiaques par l’épithète miserabiles; mais il représente l’Elégie sous un double rapport, dans ces deux vers de l'Art poétique : Versibus impariter junctis querimonia primùm , Mox etiam inclusa est voti sententia compos-