Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sujets de l’Élégie, on crie au novateur, on lui oppose Tibulle et Properce; c’est Tibulle et Properce qu’il invoquera pour exemple et pour appui de son système. On verra combien ils attachent de prix à la variété. La quatrième pièce du premier livre de Tibulle est-elle autre chose que l’ingénieux fragment du nouvel art d’aimer mis dans la bouche d’un dieu ? Le ton, la forme, le cadre, tout est changé, et personne ne songe à s’en plaindre. La septième du même livre peint avec finesse les ruses, les subtilités de l’amour, prévient et embarrasse la jalousie par des aveux et des conseils: c’est une scène vive et piquante qui ne diffère de celle de Térence que par un accent plus poétique. Properce s’abandonne bien plus encore à la liberté de ses compositions. Tantôt il détaille dans une pièce entière les apprêts d’une pompe triomphale; tantôt il représente les malheurs de l’avarice. Ici la fable de Vertumne; là une lettre d’Aréthuse à Lycotas; plus loin la défaite de Cacus. Certes, l’Élégie ne reconnaît point là ses sujets accoutumés elles sont pourtant classiques elles se retrouvent dans les modèles. On ferait un bon ouvrage sur les préventions littéraires et les préjugés poétiques.

Peut être avec du temps, des soins, de profondes études et de longues méditations sur l’art, découvrira-t-on encore des sentiers nouveaux au milieu des routes anciennes. Ne désespérons pas du talent, si nous ne voulons pas qu’il désespère de lui.

Le caractère de l’Élégie est ordinairement simple et tempéré. Elle se compose d’une suite de circonstances intéressantes et naturellement exprimées. Même en chantant le bonheur, elle peut conserver la teinte de tristesse qui lui est propre. Ce mélange d’impressions opposées ajoute à son effet. Elle se plaît surtout au souvenir de ce