Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/41

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qui n’est plus; elle aime à consacrer, comme l'a dit un de nos poètes,

Le regret du plaisir, et même de la peine.

Il n’est point pour elle d’objet inanimé; pour elle les ruines sont vivantes, la solitude est peuplée, et la tombe a cessé d’être muette. Évoqués par ses chants, des mânes chéris semblent, sous leur forme première, revenir au jour pour s’entretenir avec elle. Ô l’ingénieuse allégorie que celle d’Orphée, qui retrouve Eurydice tandis qu’il la chante, et dont le bonheur s’évanouit avec le dernier son de sa lyre !

Les sujets passionnés ne conviennent pas moins à l’Élégie; mais ils ne peuvent franchir un certain degré d’exaltation sans sortir des bornes prescrites. Les éclats de la fureur, les cris du désespoir lui sont interdits, ils détruiraient le charme de la tristesse. Tel admirable monologue de nos tragédies ne formerait qu’une Élégie assez ridicule, à peu près semblable aux amplifications connues sous le nom d'héroïdes, genre détestable et faux, qui se retrouve à deux époques bien marquées de la décadence des lettres. Si la vérité, si le naturel font l’essence de toute poésie, où doivent-ils dominer si ce n’est dans une sorte d’ouvrages où, selon le précepte du maître, il faut que le cœur parle seul ! La recherche, la déclamation, défauts partout condamnables, y seraient des vices odieux. L’esprit même, non cet esprit qui, nécessaire au talent, préside à l’ordonnance de ses travaux en rapprochant des rapports éloignés, mais les saillies, les brillantes vanités du style, y rappelleraient le pulcher assuitur pannus dont parle Horace, et le non erat hic locus.

Je ne sais de quel compositeur on a dit : « Sa musique était douce et triste à la fois comme le souvenir du bonheur