Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/57

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à un panégyrique. J’ai connu Parny; mais le tendre attachement qui m’unissait à lui n’a pas influé sur mon témoignage. Ceux qui ne l’ont point connu en ont parlé comme moi. J’ai seulement cherché à caractériser d’une manière plus précise les traits de son précieux talent.

Condamné à rappeler un moment la pensée sur mes Élégies, je sens combien la transition sera brusque; mais, grâce à l’amitié dont Parny daigna m’honorer, grâce aux leçons que j’ai recueillies dans ses entretiens, parler de moi, de mes ouvrages, ce sera, pour ainsi dire, parler encore de lui. Il me répétait, comme à tous les jeunes poètes : « La poésie s’use; il faut la rajeunir par des « images nouvelles. Retracez d’autres mœurs, peignez une autre nature. » J’ai profité de ses conseils. Un livre de mes Élégies est composé de sujets choisis dans une nature étrangère. Les uns (et c’est le plus grand nombre) sont élégiaques par le fond; les autres le deviennent par la forme. Qu’on me permette de rappeler sommairement quelques-uns de ces sujets. L’Arabe qui pleure la mort de son coursier fidèle; la belle Insulaire qui, pour se dérober aux poursuites d’un roi dont elle est aimée, se réfugie sous l’ombrage qui donne la mort, et meurt fidèle à son amant; la Persane qui, abandonnée par le chasseur, compare tristement son sort à celui de la gazelle qu’il a blessée, et dont elle cherche à guérir la blessure; la jeune fille pleurant une colombe qui succomba pour elle en remplissant un message d’amour; le pauvre nègre entonnant sa chanson d’esclavage, et rejoignant aux deux sa femme et son fils, morts de douleur : telles sont les principales scènes que j’ai choisies. Je le demande, l’Élégie en offre-t-elle beaucoup qui soient plus analogues à son caractère ? Si le personnage y prend la place du poète, la forme en est plus dramatique.