Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/22

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Pour accomplir ma tâche, je me suis environné de toutes les disquisitions des scoliastes : j’ai lu toutes les traductions françaises, italiennes et latines que j’ai pu trouver. Les traductions latines, par la facilité qu’elles ont à rendre littéralement les mots et à suivre des inversions, m’ont été très-utiles.

J’ai quelques amis que depuis trente ans je suis accoutumé à consulter : je leur ai encore proposé mes doutes dans ce dernier travail ; j’ai reçu leurs notes et leurs observations ; j’ai discuté avec eux les points difficiles ; souvent je me suis rendu à leur opinion ; quelquefois ils sont revenus à la mienne. Il m’est arrivé, comme à Louis Racine, que des Anglais m’ont avoué ne pas comprendre le passage sur lequel je les interrogeais. Heureux encore une fois ces esprits qui savent tout et n’ont besoin de personne ; moi, faible, je cherche des appuis, et je n’ai point oublié le précepte du maître :


Faites choix d’un censeur solide et salutaire
Que la raison conduise et le savoir éclaire,
Et dont le crayon sûr d’abord aille chercher
L’endroit que l’on sent faible et qu’on se veut cacher.


Dans tout ce que je viens de dire, je ne fais point mon apologie, je cherche seulement une excuse à mes fautes. Un traducteur n’a droit à aucune gloire ; il faut seulement qu’il montre qu’il a été patient, docile et laborieux.

Si j’ai eu le bonheur de faire connaître Milton à la France, je ne me plaindrai pas des fatigues que m’a causées l’excès de ces études : tant il y a cependant que pour éviter de nouveau l’avenir probable d’une vie fidèle, je ne recommencerais pas un pareil travail ; j’aimerais mieux mille fois subir toute la rigueur de cet avenir.

VERS.


Le vers héroïque anglais consiste dans la mesure sans rime, comme le vers d’Homère en grec et de Virgile en latin : la rime n’est ni une adjonction nécessaire ni le véritable ornement d’un poëme ou de bons vers, spécialement dans un long ouvrage : elle est l’invention d’un âge barbare, pour relever un méchant sujet ou un mètre boiteux. À la vérité elle