Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/69

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m’ajouta qu’il était somnambule, en me serrant fortement la main, puis il se retira. Je ris de sa méprise et je me couchai. Faustine en fit autant dans sa chambre avec laquelle j’étais bien fâché de n’avoir pas communication, car nos chambres étaient aux deux bouts de la maison, il fallait traverser un corridor le long de l’appartement, de la salle à manger et de celui du maître.

À peine avais-je fermé l’œil que j’entendis marcher dans ma chambre, et s’avancer près de mon lit ; je sentis que j’allais avoir à combattre ; je saisis le pot de chambre, dont j’avais fait usage en me couchant, et quand Cornucio voulut ouvrir mon lit pour s’y placer, j’avançai le bras et le coiffai du vase, et, traversant à toutes jambes le corridor, j’arrivai à la porte de Faustine, que j’enfonçai d’un coup de genou ; je la trouvai se débattant comme le chaste Joseph avec la femme de Putiphar ; elle était si bien enveloppée dans ses couvertures que notre lascive hôtesse n’avait pas découvert son sexe. La dame, à mon abord, parut médusée ; je me plaignis amèrement de la violence que son mari avait voulu me faire éprouver, et je grondai mon soi-disant frère de l’impudeur avec laquelle il osait abuser des bontés de notre respectable hôtesse.

— Moi, ma sœur, s’écria le faux abbé, le ciel m’est témoin que c’est madame qui voulait.

— J’ai cru vous entendre gémir ; craignant que vous ne fussiez incommodé, je suis vite accourue pour vous donner les secours qui dépendaient de moi.

— Votre mari, madame, ne vous le cède pas