Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chèvre-feuille s’élevaient autour de leur tige, et, s’étendant d’un arbre à l’autre, formaient des festons parfumés ; à quelques pas de là, des touffes de seringa sortaient d’une haie de rosiers de diverses espèces auxquelles se mêlaient l’aubépine, l’acacia rose et l’épine-vinette ; la violette, la pensée, l’anémone et l’odorante jonquille couvraient le gazon qui séparait la haie du canal ; et les pois de senteur se ramaient autour de la tige élevée de la tubéreuse ; plus loin, des bancs de mousse à travers laquelle perce la pâquerette et l’armoise, offrent un siège doux et frais à la nymphe qui, sortant de l’onde, veut se sécher et s’essuyer avant de reprendre ses habits. C’est là que nous allâmes chercher à nous délasser de nos agréables fatigues ; l’Albane et Boucher se seraient trouvés contents, s’ils avaient été admis ; quel travail pour leur ingénieux pinceau ! chacune de nos belles leur aurait fourni vingt académies ; ils auraient cru voir Thétis au milieu de ses naïades recevant Phœbus, tandis que les heures détèlent son char. Valbouillant avait l’air de Comus chargé de préparer le festin, pendant qu’en folâtrant près des belles nageuses, je ressemblais au dieu dont les ailes aux talons annoncent l’emploi sur les pas du prélat. Nous nous hâtâmes de nous plonger dans l’onde limpide, qui ne faisait que rafraîchir les charmes de nos nymphes sans les voiler ; les peignoirs qu’elles avaient quittés étaient remplacés par les boucles éparses de leurs cheveux qui formaient un vêtement transparent aux contours arrondis de leurs tailles élégantes ; l’eau ne s’élevait qu’à la hau-