Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/90

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Après mille agaceries réciproques, Madame Valbouillant, poursuivant la jeune Laure en folâtrant comme Sapho le faisait d’ordinaire avec ses compagnes, la renversa sur une touffe de roseaux, et nous fit apercevoir le carmin et la rose au milieu de son spadille. Pendant ce temps Valbouillant accourt, et tournant la chanoinesse de côté, se coulant sur le dos, s’insinue dans le losange vermeil, dont sa femme continuait de chatouiller le sommet ; l’évêque, à son tour, étend Babet à côté des combattants, de manière que l’officieuse main de Babet rendait à sa maîtresse tout ce que celle-ci prêtait à Laure ; et pour compléter le groupe, la signora Magdalani, se courbant sur les reins de son frère, m’offrit une double route aux plaisirs. Je commençai le sacrifice dans l’arrière-temple, et j’achevai ma libation dans le vrai sanctuaire. La fraîcheur de l’eau, l’ardeur de nos désirs, par leur contraste heureux, aiguisèrent la volupté, et nous convînmes, d’une voix unanime que jamais on ne pouvait éprouver d’ivresse plus délicieuse.

Nous sortîmes du bain aussi frais qu’en y entrant ; nous vidâmes sur le rivage le bol de punch qui s’y trouvait préparé. Je fus l’échanson et l’on trouva que j’avais autant de grâce à remplir mes fonctions que le prince phrygien qui servait le nectar à Jupiter.

Nos belles reprirent leurs peignoirs et nous de légères robes de taffetas. Rentrés au salon, nous échangeâmes les plus douces caresses. La signora Magdalani observa que la société, toute charmante qu’elle fût, péchait en ce qu’il y avait