Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/92

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deux, et la bonne religieuse, pleine de zèle pour le salut de sa parente, avait garni les ceintures auxquelles ils étaient attachés, d’agnus dei, de bois bénit et de bois pourri, qu’elle avait honoré du nom de bois de la vraie croix, pour élever vers Dieu ses idées quand elle ferait usage de ce consolateur des recluses.

La lubrique assemblée admira le génie de l’inventeur et le talent supérieur de l’ouvrier dans l’exécution. L’espiègle Babet voulait à l’instant entourer ses reins de la sacrée ceinture ; mais sur la représentation de la chanoinesse, elle en différa l’usage jusqu’à ce que le lait nécessaire fût préparé et parvenu à la chaleur convenable.

Pour attendre patiemment que tout fût prêt, on proposa que nos belles fissent le récit fidèle de leurs aventures. La proposition fut généralement acceptée, et la signora Magdalani, comme la doyenne, commença en ces termes :

« Ma mère perdit la vie en me donnant le jour ; mon père m’envoya près de ma tante, dans son petit castel aux environs de Nice. Ma tante, n’ayant rien de mieux à faire, s’était jetée dans la dévotion et passait la journée à l’office ou à médire avec ses voisines. On m’avait appris les litanies de la Vierge, et je prononçais avec toute l’emphase convenable : « Tour d’ivoire, priez pour nous ; rose mystique, priez pour nous. » Mais, de bonne foi, je n’attachais aucune idée à ces vocatifs décousus. Ma tante cependant s’applaudissait de ses talents pour enseigner, et de mes dispositions à m’instruire, parce qu’à douze ans je savais par cœur les sept psaumes en latin, le Salve Regina et l’Angelus. Quand ma