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LE RIDEAU LEVÉ


plancher, par un autre cordon, une table servie de mets délicats, de vins et de liqueurs semblables à ceux dont nous nous étions si bien coiffés, et qui nous achevèrent. Tout y était propre à augmenter l’ardeur qui nous dévorait déjà. Vernol était dans une impatience prodigieuse ; mais ce que je n’aurais pas attendu de celle de Rose, elle ne perdit rien de sa gaîté. Pour moi, dont la volupté était plus délicate, je jouissais par les yeux, par les mains, mais j’étais moins empressée d’arriver au but, que j’envisageais avec plus de satisfaction en exaltant le désir, et je me trouvais en cela d’accord avec mon papa. Vernol et Rose furent donc obligés de modérer leur impatience, ce qui fut plus facile à Rose, qui, par nos caresses et nos attouchements, avait déjà, de son aveu, ressenti trois fois les délices du plaisir. Enfin, elle appela ce service le souper de noces ; l’Hymen n’y présidait guère, mais qu’importe, la Volupté y régnait ; elle seule nous suffisait et nous enchantait. On la voyait au milieu de la table, couronnée par le dieu des jardins, tenant son sceptre en main ; dans les quatre coins, il y avait des groupes entrelacés et dans des attitudes qui annonçaient le plus doux des moments. Entre eux de vieux satyres jaloux présentaient leurs offrandes que les nymphes chassaient et que les plaisirs fuyaient : tout inspirait, tout animait. Rose, le verre et la bouteille en main, sa robe ouverte, déve-