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LE RIDEAU LEVÉ


nesse et la fraîcheur brillaient de tous côtés ; au milieu de la blancheur et de l’éclat d’une jeune fille, on voyait le trait qui caractérisait un homme. Nous nous plongeâmes tous quatre à la fois dans ce bassin : ils étaient l’un et l’autre rayonnants de gloire. Tous consumés d’un feu dévorant, nous étions semblables à des fournaises sur lesquelles on jette de l’eau et qui n’en deviennent que plus vives. Deux lances en arrêt nous menaçaient tour à tour, mais le combat ne nous effrayait pas ; en proie aux mains folâtres et passionnées, aux baisers amoureux et lascifs de nos tritons, nous leur rendions les mêmes caresses ; nous badinions avec leurs flèches : ils s’étaient emparés, de nos carquois.

Dans ce moment, mon papa eut la prudence de plonger l’éponge au fond du mien, lorsque j’y pensais le moins. Vernol voulait entrer en lice, mais par une adresse si naturelle aux femmes et si propre à aiguiser les désirs, je l’arrêtai et me sauvai du bassin. Rose me suivit ; bientôt ils furent dehors ; la fraîcheur qu’ils sentirent en sortant leur donna sur la crête ; leur humilité momentanée nous laissa le temps de nous essuyer, et nous étant couvertes simplement de robes légères et transparentes, qui ne gênaient presque point la vue ni les larcins, et que mon papa tira d’une armoire cachée par une glace mobile, nous nous étendîmes sur les bergères. À peine y étions-nous, qu’il fit descendre du