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LE RIDEAU LEVÉ


mon cœur ! tu l’avoueras sans doute avec moi. Il dégagea mon âme, par cet exposé de ses sentiments, d’un poids qui la surchargeait, il lui rendit sa tranquillité, et la remplit d’une joie parfaite. Je voulais cependant encore éclaircir un soupçon que nos scènes de la campagne m’avaient donné, et je souhaitais qu’il se vérifiât pour ôter tout retour aux regrets que j’avais éprouvés, mais je n’eus pas lieu de tirer cet avantage de la demande que je lui fis.

— Je désire, cher papa, te faire une question sur laquelle je te prie de me satisfaire sans déguisement.

— Quoi donc ! ma Laurette, pourrais-je en avoir pour toi, et te donner cet indigne exemple, après avoir cherché moi-même à te rendre toujours sincère ? Parle, la vérité dans ma bouche ne sera pas même fardée.

— Quand nous avons été la première fois à la campagne avec Rose et Vernol, après t’avoir entendu dire à quelle condition tu te prêtais à ma folie, je me suis persuadée que la vue des grâces de ce beau garçon avait fait naître tes désirs, comme il avait excité les miens, et que pour en jouir tu avais consenti à céder aux siens, en exigeant cette obligation de lui. Ma persuasion était-elle fondée ?

— Que tu t’es trompée, ma chère enfant ! J’avais des désirs, il est vrai ; tu en voyais les signes certains, eh ! qui n’en aurait pas eu ! Mais les attraits et les charmes répandus sur