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LE RIDEAU LEVÉ


jamais jusqu’où s’étendent tes bontés et ton amour pour ta Laurette ; tous les moments de mes jours seront désormais consacrés à te prouver le mien ; mes soins, ma complaisance, mes plus secrètes pensées, dont je te ferai part, enfin la constance et la fidélité de ma tendresse pour toi, en seront des témoignages continuels et des preuves certaines.


Des baisers et des caresses sans nombre en furent les gages.


Je jouissais avec lui depuis près de quatre ans d’une tranquillité douce et charmante, j’en faisais toute ma félicité ; prévenante et prévenue, caressante et caressée, mes jours «étaient filés par le plaisir et le bonheur, quand au bout de ce terme ils furent troublés par la mort de Lucette. Son souvenir m’était toujours bien cher, il était le fruit de la sincère amitié que nous avions l’une pour l’autre ; en tout sa conduite avait été guidée par la tendre affection qu’elle avait pour mon père et pour moi. J’avais trop bien connu la différence qu’il avait entre elle et Rose, et je mettais à son attachement un tout autre prix ; mais la perte que je faisais était un préparatif aux tourments et aux noirs chagrins que je devais essuyer. Quel récit exiges-tu de moi, chère Eugénie ? Pourquoi renouveler ma douleur ? Mon cœur se déchire encore au souvenir de mon infortune ; les mêmes angoisses se font encore sentir avec une force pareille au mo-

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