Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
LE RIDEAU LEVÉ


ment de ce détail ; non, je ne puis passer outre....

. . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . .

Je reprends, trop chère amie, ce fatal et cruel récit que j’ai été forcé de suspendre ; je n’étais plus à moi, mon cœur était navré ;-ma main tremblante laissait tomber ma plume, les sanglots m’étouffaient, mes yeux offusqués ne pouvaient retenir l’abondance de larmes où tu m’as vue plongée, et que ton amitié consolante aurait encore essuyées, si j’avais été près de toi. Enfin, mon cœur, un peu dégagé, me rend la liberté de retracer mon malheur à tes yeux.

Tu sais que j’étais dans ma vingtième année quand mon papa, le plus tendre et le plus aimable des pères, et en même temps le plus chéri, duquel j’aurais voulu racheter la vie de tout mon sang, et dont la perte est irréparable pour moi, fut emporté par une fluxion de poitrine, dont tout l’art des médecins ne put le sauver. Je ne le quittais point, j’étais jour et nuit près de son lit, que j’arrosais de mes pleurs : je m’efforçais de les cacher ; ma bouche était collée sur ses mains. Ce spectacle le pénétrait ; il aurait voulu m’épargner celui de son état ; il tâchait de m’éloigner, mais il ne fut pas possible de m’y faire consentir ; je n’écoutais rien ; à peine pouvais-je prêter un peu d’attention à quelques conseils qu’il me donnait ; car il sentait sa situa-