Page:Mirabeau - Le Rideau levé ou l'éducation de Laure, 1882.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
LE RIDEAU LEVÉ


tion pour Lucette fut bientôt d’accord avec celle de mon père.

Lucette avait désiré coucher dans ma chambre, et mon père s’y était prêté. Le matin, à son réveil, il venait nous embrasser ? j’étais dans un lit à côté d’elle. Cet arrangement et le prétexte de venir me voir lui donnaient la facilité de s’amuser avec nous, et de faire à Lucette toutes les avances qu’il pouvait hasarder devant moi. Je voyais bien qu’elle ne le rebutait pas, mais je ne trouvais pas qu’elle répondît à ses empressements comme je l’aurais fait et le désirais d’elle ; je ne pouvais en concevoir la raison. Je jugeais par moi-même, et je croyais qu’en aimant avec tant de tendresse ce cher papa, tout le monde devait avoir mon cœur, penser et sentir comme moi ; je ne pus me refuser de lui en faire des reproches :

— Pourquoi, ma bonne, n’aimez-vous pas mon papa, lui qui paraît avoir tant d’amitié pour vous ? Vous êtes bien ingrate !

Elle souriait à ces reproches, en m’assurant que je les lui faisais injustement : en effet, cet éloignement apparent ne tarda pas à se dissiper.

Un soir, après le repas, nous rentrâmes dans la pièce que j’occupais ; il nous présenta de la liqueur. Une demi-heure était à peine écoulée, que Lucette s’endormit profondément ; il me prit alors entre ses bras, et m’emportant dans sa chambre, il me fit