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LE RIDEAU LEVÉ


de jouir encore du même spectacle. Tu vas juger, ma chère, du violent désir qui me tourmentait : il était enfin arrivé cet instant où je devais tout apprendre !

Trois jours après celui dont je viens de te rendre compte, voulant à quelque prix que ce fût, satisfaire mon désir envieux, lorsque mon père fut sorti et ma bonne occupée, j’imaginai de mettre une soie au coin du rideau et de la faire passer par le coin opposé d’un des carreaux ; cet arrangement préparé, je ne tardai pas à en profiter. Le lendemain, mon père, qui n’avait sur lui qu’une robe de taffetas, entraîna Lucette, qui était aussi légèrement vêtue : ils prirent le soin de fermer exactement la porte et d’arranger le rideau, mais j’avais vaincu tous les obstacles, et mon expédient me réussit, au moins en partie. Ils n’y eurent pas été deux minutes, qu’impatiente je fus à la porte, et je soulevai faiblement le rideau : j’aperçus Lucette ; ses tétons étaient entièrement découverts ; mon père la tenait dans ses bras, et la couvrait de ses baisers, mais, tourmenté de désirs, bientôt jupes, corset, chemise, tout fut à bas. Qu’elle me parut bien dans cet état ! et que j’aimais à la voir ainsi ! La fraîcheur et les grâces de la jeunesse étaient répandues sur elle. Chère Eugénie, la beauté des femmes a donc un pouvoir bien singulier, un attrait bien puissant, puisqu’elle nous intéresse aussi ! Oui, ma chère, elle est touchante,