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LE RIDEAU LEVÉ


encore. Il serait même avantageux qu’elles pussent être mises en usage pour toutes sortes de jeunes gens que des circonstances imprévues ou des personnes imprudentes ont malheureusement instruits beaucoup trop tôt.

La frayeur d’une santé délabrée, la crainte d’une mort prématurée se présentaient vivement à mon imagination : cependant, ce que je lui avais vu faire à Lucette, la manière dont il vivait avec elle suspendait en quelque sorte l’énergie de ses images, la force et l’effet de ses raisons ; je ne pus me refuser à lui faire part de mes doutes.

— Pourquoi donc, cher papa, ne prenez-vous pas avec ma bonne les mêmes précautions qu’avec moi ? Pourquoi lui procurez-vous souvent, au contraire, ce que vous me refusez entièrement ?

— Mais, ma fille, fais donc attention que Lucette est dans un âge absolument formé ; qu’elle n’abandonne que le superflu de son existence ; que c’est le temps où elle peut nourrir dans son sein d’autres êtres, et que dès cet instant elle a plus qu’il ne faut pour la conservation du sien, ce qui s’annonce si bien par l’exactitude de ses règles. Il ne faut pas te cacher non plus, ma chère Laurette, que chez elle une trop grande quantité de semence retenue, en refluant dans son sang, y porterait le feu et le ravage, ou en stagnant dans les parties qui la séparent du reste des humeurs,