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LE RIDEAU LEVÉ


accidents qui en résultent sont les plus fâcheux. Les femmes, par exemple, ou meurent de bonne heure ou restent petites, faibles et languissantes, ou tombent dans un marasme, un amaigrissement qui dégénère en maux de poitrine, ou elles privent leur sang d’un véhicule propre à produire leurs règles dans l’âge ordinaire et d’une manière avantageuse, ou elles sont enfin sujettes à des vapeurs, à des crispations de nerfs, à des vertiges ou à des fureurs utérines, à l’affaiblissement de la vue et au dépérissement ; elles terminent leurs jours dans un état quelquefois fort triste. Les jeunes gens essuient des accidents à peu près semblables : ils traînent des jours malheureux, s’ils ne meurent prématurément.

Cet affreux tableau, chère Eugénie, m’effraya et m’engagea à lui témoigner ma reconnaissance de son amitié et de ses soins en mettant de bonne heure obstacle au penchant que je me sentais pour le plaisir et la volupté. La vie me paraissait agréable, et quelque goût que j’eusse pour le plaisir, je ne voulais point l’acheter, lui disais-je, aux dépens de mes jours et de ma santé.

— Je l’ai reconnu d’abord en toi, ma chère Laurette, cependant ; je savais que dans l’âge où tu étais, toutes les raisons du monde ne pourraient t’en détourner ; c’est ce qui m’a fait prendre des précautions que tu n’as pu vaincre, et que je n’ai pas dessein de lever