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LE RIDEAU LEVÉ


hommes aient fixé le nombre de ces éléments ; rien n’est plus digne de la sphère étroite de leurs idées, et néanmoins à les entendre, il semble qu’ils aient assisté aux dispositions de l’Ordonnateur éternel. Mais enfin, qu’ils soient un ou plusieurs, l’assemblage de leurs parties forme les corps et se trouve uni dans un nombre très multiplié de globules de feu et de matière qui paraît inerte aux yeux préoccupés. Que pense-tu donc de ces points de feu brillants, connus parmi nous sous le nom d’étoiles ? Eh bien, ma fille, ce sont de vastes globes enflammés, semblables à notre soleil, établis pour éclairer, échauffer et donner la vie à une multitude de globes terrestres, peut-être chacun aussi peuplé que le nôtre. Quelques-uns ont cru qu’ils étaient placés là pour nous éclairer pendant la nuit ; l’amour-propre leur fait rapporter tout à nous, afin que tout aille à eux. Et de quoi nous servent-ils, ces globes, quand l’air est obscurci par les nuages ou les vapeurs ? La lune paraîtrait plutôt être destinée à cet office ; elle nous éclaire dans l’absence du soleil, même à travers les parties nébuleuses qui couvrent souvent notre horizon, et cependant ce n’est pas là son unique destination : on ne peut même affirmer qu’elle n’est pas un monde dont les habitants doutent si nous existons et sont peut-être assez stupides pour se flatter de jouir seuls de la magnificence des cieux ; peut-être aussi sont-ils plus pénétrants plus ingé-