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LE RIDEAU LEVÉ


besoin. Je t’ai déjà fait part, chère Eugénie, de cette ressource favorable et salutaire, à laquelle tu as eu assez de foi, sur ma propre expérience, pour te livrer à la tendresse et aux sollicitations de ton amant.

Telle était une partie des conversations que nous mêlions à nos plaisirs, à nos caresses et aux autres instructions qu’il me donnait, dont il avait l’art de me faire profiter sans peine. Les livres de toute espèce étaient entre mes mains, il n’y en avait aucun d’excepté, mais il dirigeait mon goût sur ceux qui traitaient des sciences, aussi loin qu’ils pouvaient convenir à mon sexe. Je veux t’en donner un échantillon et un léger précis dans une matière où je l’avais souvent questionné.

Peux-tu concevoir, ma Laure, et fixer un point d’arrêt sur l’immensité dont notre globe est environné ? Pousse-le aussi loin que ton imagination puisse l’étendre : à quelle distance inconcevable seras-tu encore du but ! Que penses-tu qui remplisse cet espace immense ? Des éléments dont la nature et le nombre sont et seront toujours inconnus ; il est impossible de savoir s’il n’y en a qu’un seul dont les modifications présentent à nos yeux et à notre pensée ceux que nous apercevons, ou si chacun de ces éléments a une racine absolument propre, qui ne puisse être convertie en une autre. Dans une ignorance si parfaite de la nature des choses dont nous faisons tous les jours usage, il paraît ridicule que les