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LE RIDEAU LEVÉ


je te conjure même de quitter cette demeure, ou que tu me mènes à la campagne, je ne serais plus dans le cas de me trouver avec eux. Partons dès demain, je serai bientôt prête.

— En effet, je courus préparer mon trousseau ; j’y étais occupée, lorsqu’il me rappela ; il me prit sur ses genoux, et me dit en m’embrassant :

— Chère Laurette, je suis content de ta tendresse et de ton affection ; tes yeux secs me disent que c’est sans peine que tu veux me faire un sacrifice. Avoue-le-moi, je t’y engage, ouvre-moi ton cœur, car, sans doute, ce n’est pas la crainte qui est le principe de ta résolution ; tu n’as pas lieu d’en avoir avec moi.

Toujours vraie, toujours sincère, je ne cherchai point à déguiser.

— Non, très assurément, cher papa, depuis longtemps la crainte vis-à-vis de toi n’est plus entrée dans mon âme ; le sentiment seul me guide. Je conviens que Vernol a fait naître dans mon imagination une illusion, un caprice dont je ne puis me rendre compte, mais mon cœur, qui est plein de toi, n’est pas un moment indécis entre vous deux : je ne veux plus le voir.

— Non, ma chère enfant, non, j’ai désiré connaître la nature de tes sentiments pour moi, j’en suis satisfait. Vernol excite en toi des sensations que ton imagination aug-