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LE RIDEAU LEVÉ


je le désirais avec d’autant plus d’impatience, que je savais qu’elle ne ressemblait pas à ma mère. Une occasion survint qui l’y détermina. Mon frère aîné était menacé de la petite vérole ; elle me fit partir au plus tôt. Ma tante et ma cousine me reçurent avec mille démonstrations d’amitié. Dans les premières caresses, Isabelle demanda que je couchasse avec elle. Je ne sais si elle ne s’en repentit pas bientôt, par la contrainte que cet arrangement lui donna dans les premiers temps. Cependant, le soir, avant de nous endormir, elle m’embrassait, et le matin je lui rendais ses caresses. Les quinze premiers jours passés, la contrainte me parut diminuer, et le soir elle retroussait nos chemises pour appuyer ses fesses contre les miennes, et me donner le baiser des quatre sœurs.

Une nuit, entre autres, que je ne pus pas m’endormir aussitôt qu’à l’ordinaire, et qu’elle me croyait très enfoncée dans le sommeil, je sentis qu’elle remuait le bras avec un petit mouvement ; sa main gauche était sur le haut de ma cuisse ; je l’entendis qui haletait et poussait une respiration entrecoupée ; elle remuait doucement le derrière ; enfin elle fit un grand soupir, se tint tranquille et s’endormit. Surprise de tout cela, et n’y pouvant rien comprendre, je craignais qu’il ne lui fût arrivé quelque chose d’extraordinaire ; cependant, comme je la trouvai fraîche et gaie le lendemain, mon inquiétude cessa. Depuis ce