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LE RIDEAU LEVÉ


jour, je m’aperçus qu’elle répétait tous les soirs ce même manège, auquel je ne concevais rien pour lors ; mais je ne tardai pas à en être instruite.

Ma tante avait une femme de chambre âgée tout au plus d’une vingtaine d’années. Isabelle était souvent enfermée dans sa chambre avec elle. Justine brodait parfaitement en tout genre, et ma cousine allait recevoir ses leçons ; elle ne voulait point, disait-elle, que je l’interrompe, parce que je l’empêcherais de faire les progrès qu’elle désirait ; je donnai d’abord dans ce panneau, qui cependant n’en était pas tout à fait un, puisqu’en effet elle apprenait à manier parfaitement l’aiguille. Enfin piquée de n’être point admise en trio, et remarquant entre elles une certaine intelligence, ma curiosité fut vivement excitée. Curiosité de fille est un démon qui la tourmente : il faut qu’elle lui cède, qu’elle y succombe.

Un jour que j’étais restée seule, ma tante étant sortie avec Isabelle, et Justine ayant profité de ce moment pour en faire autant, je le mis en usage pour aller dans sa chambre examiner si je ne trouverais pas quelque moyen, ou quelque ouverture de laquelle je pourrais découvrir ce qu’on pouvait y faire ; j’aperçus, au coin du lit où couchait Justine, une porte dans la ruelle, que je parvins à ouvrir à force de la secouer, et qui conduisait dans une chambre sombre, toute