Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/318

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Ah ! vrai !… J’étais bien tombée… Et telle était ma chance, pour une fois que j’avais de forts gages…

— M. Xavier n’est pas encore rentré cette nuit, dit le valet de chambre.

— Oh ! fit la cuisinière, en me regardant avec insistance, il rentrera peut-être, maintenant…

Et le valet de chambre raconta que, le matin même, un créancier de M. Xavier était venu encore faire du potin… Cela devait être bien malpropre, car Monsieur avait filé doux, et il avait dû payer une forte somme, au moins quatre mille francs…

— Monsieur était joliment furieux, ajouta-t-il. Je l’ai entendu qui disait à Madame : « Ça ne peut pas durer… Il nous déshonorera… il nous déshonorera !… »

La cuisinière, qui semblait avoir beaucoup de philosophie, haussa les épaules.

— Les déshonorer ? dit-elle en ricanant. Ils s’en fichent un peu… C’est de payer qui les embête…

Cette conversation me mit mal à l’aise. Je compris, vaguement, qu’il pouvait y avoir un rapport entre les chiffons de Madame, les paroles de Madame, et M. Xavier… Mais, lequel, exactement ?

— C’est de payer qui les embête…

Je dormis très mal, cette nuit-là, poursuivie par d’étranges rêves, impatiente de voir M. Xavier…