Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/219

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alors ils s’enfuient, les vieux messieurs et les vaudevillistes patriotes, et les Bonshommes Guillaume, et ils crient, en se voilant la face : « C’est trop dégoûtant ! »

Éternelle histoire, si tristement émouvante, de la prostituée à qui, son dur travail fini, il faut du bleu… de l’au-delà… de la pureté… des petites hirondelles… et de belles histoires morales qui font pleurer !…

J’ai infiniment goûté l’article du Fin de siècle, non seulement en ce qui m’y concerne, mais aussi en ce qu’il y pose une question intéressante. Le Fin de siècle voudrait bien savoir ce que c’est que la morale, et il demande à ce qu’on la définisse enfin, d’une façon « légale ». On pourrait savoir alors ce qui est moral et ce qui ne l’est pas, ce qu’il est permis et ce qu’il est défendu de dire… Nous n’avons là-dessus d’autre critérium que la disposition d’humeur, d’esprit ou d’estomac, plus ou moins passagère, plus ou moins réflexe, d’un des membres de la Ligue contre la licence des rues… Ce n’est pas suffisant, en vérité, et c’est souvent contradictoire, et presque toujours arbitraire… L’artiste et l’écrivain dépendent donc uniquement d’une chose qu’il ignore absolument, d’un malheur privé, d’une perte à la Bourse, d’une infidélité de maîtresse, d’une digestion pénible… de toutes ces choses extérieures qui ont tant d’empire sur