Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/242

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qui, seul, lui révélait qu’il y eût, là, près de lui, de la vie, du mouvement. Et son esprit retournait là-bas. À travers les murs, il revoyait les cours égayées de mille jeux, les figures animées, les gestes souples de ses camarades, les Pères sous les ormes, les batailles, les rires. Et c’était Le Toulic, appuyé contre la barrière, avec son teint de phtisique, et son dos voûté, le front déjà ridé comme un vieillard, apprenant ses leçons, têtu, opiniâtre, luttant de toute sa volonté contre la lenteur de son intelligence et les rébellions obstinées de sa mémoire. Et c’était Guy de Kerdaniel, entouré de sa bande, insolent, persécuteur ; et c’était Kerral, sautillant, en quête d’un malheureux à consoler. Et c’était encore, la place vide aujourd’hui, leur place à Bolorec et à lui, sur les marches des arcades, où les moineaux s’inquiétaient de ne plus les voir et de ne plus écouter leurs chansons, toutes choses, tous visages qui allaient s’effacer, disparaître pour toujours. Que pensaient-ils de lui ? que se disaient-ils entre eux, de cette brusque, imprévue séparation ? Rien sans doute. Un enfant arrive : on lui jette des pierres, on le couvre d’insultes. Un enfant s’en va et c’est fini. À un autre ! Ce qui l’étonnait, c’est que le Père de Kern ne fût point venu le visiter. Il lui semblait qu’il l’aurait dû, au moins qu’il aurait dû s’enquérir de sa détresse, lui prouver que tous les sentiments de pitié n’étaient pas morts en son cœur.

— Le Père de Kern ne vous a pas parlé de moi ? demandait-il au frère, chaque fois que celui-ci entrait en sa chambre.

— Et comment voulez-vous que le Révérend