Tout marche par cabale et par pur intérêt ;
Ce n’est plus que la ruse aujourd’hui qui l’emporte,
Et les hommes devraient être faits d’autre sorte.
Mais est-ce une raison que leur peu d’équité,
Pour vouloir se tirer de leur société ?
Tous ces défauts humains nous donnent, dans la vie,
Des moyens d’exercer notre philosophie :
C’est le plus bel emploi que trouve la vertu ;
Et, si de probité tout était revêtu,
Si tous les cœurs étaient francs, justes, et dociles,
La plupart des vertus nous seraient inutiles,
Puisqu’on en met l’usage à pouvoir sans ennui
Supporter dans nos droits l’injustice d’autrui ;
Et, de même qu’un cœur d’une vertu profonde…
En beaux raisonnements vous abondez toujours ;
Mais vous perdez le temps et tous vos beaux discours.
La raison, pour mon bien, veut que je me retire :
Je n’ai point sur ma langue un assez grand empire :
De ce que je dirais je ne répondrais pas,
Et je me jetterais cent choses sur les bras.
Laissez-moi, sans dispute, attendre Célimène.
Il faut qu’elle consente au dessein qui m’amène ;
Je vais voir si son cœur a de l’amour pour moi ;
Et c’est ce moment-ci qui doit m’en faire foi.
Allez-vous-en la voir, et me laissez enfin
Dans ce petit coin sombre avec mon noir chagrin.
Et je vais obliger Éliante à descendre.