Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/471

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À la nature humaine il s’en vouloit tenir.
Mais de voir Jupiter taureau,
Serpent, cygne, ou quelque autre chose,
Je ne trouve point cela beau,
Et ne m’étonne pas si parfois on en cause.

Mercure.

Laissons dire tous les censeurs :
Tels changements ont leurs douceurs
Qui passent leur intelligence.
Ce dieu sait ce qu’il fait aussi bien là qu’ailleurs ;
Et, dans les mouvements de leurs tendres ardeurs,
Les bêtes ne sont pas si bêtes que l’on pense.

La Nuit.

Revenons à l’objet dont il a les faveurs.
Si, par son stratagème, il voit sa flamme heureuse,
Que peut-il souhaiter, et qu’est-ce que je puis ?

Mercure.

Que vos chevaux par vous au petit pas réduits,
Pour satisfaire aux vœux de son ame amoureuse,
D’une nuit si délicieuse
Fassent la plus longue des nuits ;
Qu’à ses transports vous donniez plus d’espace,
Et retardiez la naissance du jour
Qui doit avancer le retour
De celui dont il tient la place.

La Nuit.

Voilà sans doute un bel emploi
Que le grand Jupiter m’apprête !
Et l’on donne un nom fort honnête
Au service qu’il veut de moi !

Mercure.

Pour une jeune déesse,
Vous êtes bien du bon temps !
Un tel emploi n’est bassesse
Que chez les petites gens.
Lorsque dans un haut rang on a l’heur de paroître,
Tout ce qu’on fait est toujours bel et bon ;
Et, suivant ce qu’on peut être,
Les choses changent de nom.

La Nuit.

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