Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/353

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Tout ce qui peut causer une amoureuse flamme.
Des moindres actions brillent d’un agrément
Dont je me sens toucher l’âme ;
Et je serois votre amant
Si j’étois autre que femme

Cidippe.
D’où vient donc qu’on la voit l’emporter sur nous deux ;
Qu’à ses premiers regards les cœurs rendent les armes,
Et que d’aucun tribut de soupirs et de vœux
On ne fait honneur à nos charmes ?

Aglaure.
Toutes les dames, d’une voix,
Trouvent ses attraits peu de chose ;
Et du nombre d’amants qu’elle tient sous ses lois,
Ma sœur, j’ai découvert la cause.

Cidippe.
Pour moi, je la devine ; et l’on doit présumer
Qu’il faut que là-dessous soit caché du mystère
Ce secret de tout enflammer
N’est point de la nature un effet ordinaire ;
L’art de la Thessalie entre dans cette affaire ;
Et quelque main a su, sans doute, lui former
Un charme pour se faire aimer.

Aglaure.
Sur un plus fort appui ma croyance se fonde ;
Et le charme qu’elle a pour attirer les cœurs,
C’est un air en tout temps désarmé de rigueurs,
Des regards caressants que la bouche seconde ;
Un souris chargé de douceurs,
Qui tend les bras à tout le monde,
Et ne vous promet que faveurs.
Notre gloire n’est plus aujourd’hui conservée ;
Et l’on n’est plus au temps de ces nobles fiertés
Qui, par un digne essai d’illustres cruautés,
Vouloient voir d’un amant la constance éprouvée.
De tout ce noble orgueil, qui nous seyoit si bien,
On est bien descendu, dans le siècle où nous sommes
Et l’on en est réduite à n’espérer plus rien,
À moins que l’on se jette à la tête des hommes.

Cidippe.
Oui, voilà le secret de l’affaire ; et je voi