Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/371

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écoutez mieux la voix de la nature,
Qui vous appelle auprès du Roi.
Vous m'aimez trop, le devoir en murmure,
Vous en savez l'indispensable loi,
765 Un père vous doit être encor plus cher que moi.
Rendez-vous toutes deux l'appui de sa vieillesse,
Vous lui devez chacune un gendre, et des neveux,
Mille rois à l'envi vous gardent leur tendresse,
Mille rois à l'envi vous offriront leurs vœux:
770 L'oracle me veut seule, et seule aussi je veux
Mourir, si je puis, sans faiblesse,
Ou ne vous avoir pas pour témoins toutes deux
De ce que malgré moi la nature m'en laisse.

AGLAURE
Partager vos malheurs, c'est vous importuner?

CIDIPPE
775 J'ose dire un peu plus, ma sœur, c'est vous déplaire?

PSYCHÉ
Non, mais enfin c'est me gêner,
Et peut-être du Ciel redoubler la colère.

AGLAURE
Vous le voulez, et nous partons.
Daigne ce même Ciel plus juste et moins sévère,
780 Vous envoyer le sort que nous vous souhaitons,
Et que notre amitié sincère
En dépit de l'oracle et malgré vous espère.

PSYCHÉ
Adieu. C'est un espoir, ma sœur, et des souhaits,
Qu'aucun des Dieux ne remplira jamais.

SCÈNE III

PSYCHÉ, seule.
785 Enfin, seule, et toute à moi-même,
Je puis envisager cet affreux changement,
Qui du haut d'une gloire extrême
Me précipite au monument.
Cette gloire était sans seconde,
790 L'éclat s'en répandait jusqu'aux deux bouts du monde,
Tout ce qu'il a de rois semblaient faits pour m'aimer:
Tous leurs sujets me prenant pour déesse