Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/397

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1600 J'ai vu mes temples désertés,
J'ai vu tous les mortels séduits par vos beautés
Idolâtrer en vous la beauté souveraine,
Vous offrir des respects jusqu'alors inconnus,
Et ne se mettre pas en peine
1605 S'il était une autre Vénus:
Et je vous vois encor l'audace
De n'en pas redouter les justes châtiments,
Et de me regarder en face,
Comme si c'était peu que mes ressentiments.

PSYCHÉ
1610 Si de quelques mortels on m'a vue adorée,
Est-ce un crime pour moi d'avoir eu des appas,
Dont leur âme inconsidérée
Laissait charmer des yeux qui ne vous voyaient pas?
Je suis ce que le Ciel m'a faite,
1615 Je n'ai que les beautés qu'il m'a voulu prêter:
Si les vœux qu'on m'offrait vous ont mal satisfaite,
Pour forcer tous les cœurs à vous les reporter,
Vous n'aviez qu'à vous présenter,
Qu'à ne leur cacher plus cette beauté parfaite,
1620 Qui pour les rendre à leur devoir,
Pour se faire adorer, n'a qu'à se faire voir.

VÉNUS
Il fallait vous en mieux défendre,
Ces respects, ces encens se doivent refuser,
Et pour les mieux désabuser,
1625 Il fallait à leurs yeux vous-même me les rendre.
Vous avez aimé cette erreur
Pour qui vous ne deviez avoir que de l'horreur;
Vous avez bien fait plus, votre humeur arrogante
Sur le mépris de mille rois
1630 Jusques aux Cieux a porté de son choix
L'ambition extravagante.

PSYCHÉ
J'aurais porté mon choix, Déesse, jusqu'aux Cieux?

VÉNUS
Votre insolence est sans seconde;
Dédaigner tous les rois du monde,
1635 N'est-ce pas aspirer aux Dieux?