Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/400

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Il m'a fallu dans ces cruels moments
Plus d'une âme, et plus d'une vie,
Pour remplir ses commandements.
1680 Je souffrirais tout avec joie,
Si, parmi les rigueurs que sa haine déploie,
Mes yeux pouvaient revoir, ne fût-ce qu'un moment,
Ce cher, cet adorable amant:
Je n'ose le nommer; ma bouche criminelle
1685 D'avoir trop exigé de lui,
S'en est rendue indigne, et dans ce dur ennui
La souffrance la plus mortelle
Dont m'accable à toute heure un renaissant trépas,
Est celle de ne le voir pas.
1690 Si son courroux durait encore,
Jamais aucun malheur n'approcherait du mien:
Mais s'il avait pitié d'une âme qui l'adore,
Quoi qu'il fallût souffrir, je ne souffrirais rien.
Oui, Destins, s'il calmait cette juste colère,
1695 Tous mes malheurs seraient finis:
Pour me rendre insensible aux fureurs de la mère,
Il ne faut qu'un regard du fils.
Je n'en veux plus douter, il partage ma peine,
Il voit ce que je souffre, et souffre comme moi,
1700 Tout ce que j'endure le gêne,
Lui-même il s'en impose une amoureuse loi:
En dépit de Vénus, en dépit de mon crime,
C'est lui qui me soutient, c'est lui qui me ranime,
Au milieu des périls où l'on me fait courir:
1705 Il garde la tendresse où son feu le convie,
Et prend soin de me rendre une nouvelle vie,
Chaque fois qu'il me faut mourir.
Mais que me veulent ces deux ombres
Qu'à travers le faux jour de ces demeures sombres
1710 J'entrevois s'avancer vers moi?

SCÈNE II

PSYCHÉ, CLÉOMÈNE, AGÉNOR.

PSYCHÉ
Cléomène, Agénor, est-ce vous que je voi?
Qui vous a ravi la lumière?

CLÉOMÈNE