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ACTE III, SCÈNE V.

Philaminte.
Venez : on va dans peu vous les faire savoir.


Scène V.

Trissotin, Vadius, Philaminte, Bélise, Armande, Henriette.

Trissotin, présentant Vadius.
Voici l’homme qui meurt du desir de vous voir ;
En vous le produisant, je ne crains point le blâme
D’avoir admis chez vous un profane, madame,
Il peut tenir son coin parmi de beaux esprits.

Philaminte.
La main qui le présente en dit assez le prix.

Trissotin.
Il a des vieux auteurs la pleine intelligence,
Et sait du grec, madame, autant qu’homme de France[1].

Philaminte, à Bélise.
Du grec, ô Ciel ! du grec ! Il sait du grec, ma sœur !

Bélise, à Armande.
Ah ! ma nièce, du grec !

Armande.
Ah ! ma nièce, du grec ! Du grec ! quelle douceur !

Philaminte.
Quoi ! monsieur sait du grec ? Ah ! permettez, de grace,
Que, pour l’amour du grec, monsieur, on vous embrasse.
(Vadius embrasse aussi Bélise et Armande.)

Henriette, à Vadius, qui veut aussi l’embrasser.
Excusez-moi, Monsieur, je n’entends pas le grec.

(Ils s’asseyent.)

Philaminte.
J’ai pour les livres grecs un merveilleux respect.

Vadius.
Je crains d’être fâcheux par l’ardeur qui m’engage
À vous rendre aujourd’hui, madame, mon hommage ;
Et j’aurai pu troubler quelque docte entretien.

Philaminte.
Monsieur, avec du grec on ne peut gâter rien.

  1. Ménage, que Molière joue ici sous le nom de Vadius, savait en effet le grec autant qu’un homme de France. Son humeur aigre et pédantesque, son caractère présomptueux, lui firent beaucoup d'ennemis ; il se croyait le droit de tout juger en dernier ressort, et peut-être Molière ne l’a-t-il mis en scène que pour se venger de quelques-uns de ses jugements. (Aimé Martin.)