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ACTE IV, SCÈNE III.

Les exemples fameux ne me manqueroient pas.

Trissotin.
Vous en pourriez citer qui ne concluroient guère.

Clitandre.
Je n’irois pas bien loin pour trouver mon affaire.

Trissotin.
Pour moi, je ne vois pas ces exemples fameux.

Clitandre.
Moi, je les vois si bien, qu’ils me crèvent les yeux.

Trissotin.
J’ai cru jusques ici que c’étoit l’ignorance
Qui faisoit les grands sots, et non pas la science.

Clitandre.
Vous avez cru fort mal, et je vous suis garant
Qu’un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant.

Trissotin.
Le sentiment commun est contre vos maximes,
Puisque « ignorant » et « sot » sont termes synonymes.

Clitandre.
Si vous le voulez prendre aux usages du mot,
L’alliance est plus forte entre pédant et sot.

Trissotin.
La sottise, dans l’un, se fait voir toute pure.

Clitandre.
Et l’étude, dans l’autre, ajoute à la nature.

Trissotin.
Le savoir garde en soi son mérite éminent.

Clitandre.
Le savoir, dans un fat, devient impertinent.

Trissotin.
Il faut que l’ignorance ait pour vous de grands charmes,
Puisque pour elle ainsi vous prenez tant les armes.

Clitandre.
Si pour moi l’ignorance a des charmes bien grands,
C’est depuis qu’à mes yeux s’offrent certains savants.

Trissotin.
Ces certains savants-là peuvent, à les connoître
Valoir certaines gens que nous voyons paroître.

Clitandre.
Oui, si l’on s’en rapporte à ces certains savants ;
Mais on n’en convient pas chez ces certaines gens.